Qui parle vrai (conséquence du confinement, je ne crois pas !)



Vous savez maintenant que j'ai connu des violences durant mon enfance.

Violences d'un père. Verbale vis à vis de moi, et physique vis à vis de ma mère.
Violences d'un frère. Non respect du lien fraternel.

La violence avec mon père était très intense, car je ne lui pardonnais pas, à l'époque, de boire.
Je rentrais du collège, et il rentrait à peu près en même temps que moi du boulot.
Ma mère avait un boulot où elle bossait une semaine sur deux, le matin, l'autre  l'après midi. Dans ces cas-là elle rentrait tard. Et c'est, la plupart du temps, à ces moments-là que ça arrivait.

Je ne l'ai jamais vu boire. Mais il disparaissait, et quand il revenait, je savais par son comportement s'il était saoul ou non.
Sa façon de marcher, de parler ... Tout changeait. Et la peur et la colère m'envahissaient.
Je savais qu'il fallait que je me taise. Pour ne pas envenimer les choses, pour pas le faire partir dans ces délires.
Je n'y arrivais pas toujours. Et parfois ça partait en vrille. 

On se hurlait dessus. Enfin surtout moi. Mais je répondais à ces délires, ce qui était complètement con. Mais quand on a 14 ans, on est pas toujours maline !
On s'est dit des choses tellement horribles. Il m'a dit des choses tellement terribles. 
Ma tête, mon intelligence sait que ce qu'il disait n'était que la réponse à mes propos.
Ma sensibilité, ma confiance en moi sont persuadées qu'il pensait ce qu'il disait.

Mon père m'a traité de pute, m'a dit que je ne serais qu'une salope. Que je n'étais qu'une conne, et que je ne ferais rien dans ma vie.
Il a ruiné l'anniversaire de mes 17 ans, en étant saoul devant tous mes amis (qui bien sûr n'étaient pas au courant de la situation). J'ai été obligé de le faire monter dans sa chambre, et de l'enfermer. Il a jeté tous les livres par la fenêtre dans le jardin, où on se trouvait !
Un jour, alors qu'il était saoul, il a pris la voiture. J'ai voulu prévenir la police. Ma mère a débranché la prise téléphonique pour m'empêcher de le faire. Je n'avais pas peur pour lui, mais pour les autres qu'il aurait pu tuer dans un accident.
Une autre fois, c'est le livreur de surgelés qui m'a aidé à le coucher, car il était tombé dans le couloir, et qu'il était trop lourd pour que je puisse le faire seule. Il est tombé du lit après, je l'ai laissé par terre !
Quand j'étais interne, je restais le samedi en ville, à la bibliothèque le plus souvent, pour rentrer le plus tard possible chez moi.
Après le bac, il m'a mis à la porte de la maison (il l'a fait plusieurs fois : j'ai déjà été sans domicile, recueillie par ma tante !), et je suis restée faire mes études sans rentrer durant plusieurs mois (jusqu'à ma première tentative de suicide en fait !)

Quand ma mère s'interposait et qu'elle m'ordonnait de m'arrêter (oui, parce que c'est moi qu'on arrêtait), j'allais m'enfermer dans ma chambre. Mais je savais qu'après, il s'en prenait à elle. Je me souviens des heures passées, à me retenir de pleurer, dans un silence de mort dans ma chambre, l'oreille collée au sol (j'étais à l'étage) pour savoir s'il fallait que je redescende pour intervenir.
Je me souviens des heures passées à pleurer, en me balançant sur moi même comme une autiste, des violences physiques que je m'infligeais, des envies de mort : la sienne, la mienne.

Tout ça (ou presque), je crois que je ne l'ai jamais dit à personne.
Mais je sais que ça fait parti des traumatismes qui font que j'avance bancale dans la vie.
Le fait que mon frère ne m'est pas respecté, même si je l'ai "oublié" pendant des années, ne m'a pas aidé pour que j'ai confiance en moi. 
Si vous rajoutez à ça la vie que m'a fait vivre mon père durant plusieurs années, on peut comprendre que je n'ai pas de bases solides pour avoir confiance en moi. 

Il est décédé en août 2000. 
Je ne captais presque pas niveau réseau téléphonique là où on vivait. Dans l'après midi, en allant faire les courses, je m'aperçois que j'ai plein de messages de ma mère qui me demande de rappeler.
Je tombe sur mon parrain, qui me demande de rentrer, je lui demande avec insistance pourquoi : "c'est ton père".
Et je lui réponds qu'ils sont assez grands pour s'occuper de ses frasques ! "Il est mort" 
Le blanc, ou le noir total comme vous voulez. Je ne me souviens plus de rien ou presque.

J'ai appris seulement quand j'ai découvert ma bipolarité, que lui aussi l'était. Et en me documentant sur la maladie, j'ai compris beaucoup de choses.

Je sais, par des paroles qui m'ont été rapporté, qu'il m'aimait. Beaucoup d'ailleurs, car j'étais celle qui, de par les idées, était le plus proche de lui.
Je sais aussi que c'est grâce à lui si je suis née. Ma mère ne voulait pas de 3ème enfant, et avait préparé sa valise pour aller se faire avorter à l'étranger. C'est lui qui a pris la décision de me garder.
Mais tout ça, je ne l'ai jamais entendu de sa bouche.
J'ai découvert il n'y a pas longtemps, qu'il adorait faire de la photo ... comme moi.
Je ne sais pas si je lui ai pardonné. En tout cas, je vis en paix avec lui maintenant. 
Hélas ce n'est pas suffisant pour effacer ce qu'il a fait ou dit.

Commentaires

  1. Tu vois que c'est bien de parler...

    RépondreSupprimer
  2. J'ai tout lu aussi :-)

    Je n'ai pas trop de mots... Je pense qu'on ne peut qu'à peine imaginer ce que tu as pu vivre!

    Au plaisir de te lire à nouveau prochainement !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ne t'inquiètes pas, je comprends qu'on ne sache pas quoi dire !
      Je crois que je vais continuer effectivement, ça me permet de prendre conscience du chemin parcouru, d'expliquer aussi aux gens qui me lisent mon parcours chaotique, et pourquoi j'en suis là aujourd'hui, avec des réussites mais aussi des faiblesses qui m'empêchent encore de temps en temps d'avancer.

      Supprimer
  3. J'ai pas les mots. Mais je voulais juste que tu saches que je suis passée par chez toi. Et hier aussi. Je t'embrasse.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et tu ne t'es pas arrêtée boire un coup ??? Ah ben non alors !!
      Ne t'inquiètes pas pour les mots, le bisous suffit ! Un jour en vrai, de nouveau j'espère !

      Supprimer
    2. Je comprends, vous le savez.

      Supprimer
    3. Oui je sais. Malgré tout ça vous donne une idée plus précise de la problématique chez moi du lâcher prise, de la confiance en moi, de la confiance en l'autre et la démonstration de mes sentiments.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire