Commerciale sédentaire : un boulot comme un autre ?





Parce que je le valais bien ... Pas sûr !







J'ai fait beaucoup de boulot. Enfin comme tout le monde je crois, il faut bien payer ces études, manger et puis travailler "pour de vrai" : et pas forcément dans cet ordre là !

Deux mois passés comme commerciale sédentaire, autrement dit télévendeuse.
Officiellement, je cherche des entreprises partenaires pour générer des heures de travail pour l'entreprise adaptée (ESAT) pour laquelle je travaille, par le biais d'une commande en produits.
Officieusement, je suis sur une plateforme pour vendre des produits qui, parce qu'ils sont conditionnés par des travailleurs handicapés, sont - forcément ? - dix fois plus chers.

Document ultra secret, on doit apprendre par coeur notre plan d'appel, écrit par des spécialistes. Tout y est étudié, chaque mot a sa place et a un sens bien précis. 
Des smileys viennent ponctuer le texte pour nous rappeler que le sourire s'entend au téléphone.

A respecter à la lettre, ce script nous permet d'arriver, en passant par différentes scènes, à notre fin : la commande.
J'entraperçois le langage comme moyen d'orienter les choix de mon interlocuteur. J'apprends aussi les attitudes et les intonations qui vont renforcer ce scénario manipulateur ...
Je deviens actrice d'un - mauvais - film !

Comme bande originale, un insistant et lancinant refrain qui nous dit que cette entreprise ne choisit que les meilleurs, et que nous en faisons partie désormais. Qu'il y a un bel avenir. En substance, il y a un air de loyauté absolue qui vient se glisser dans la chanson.

En moyenne par jour, 150 appels, 10 décisionnaires,1 à 2 commandes possible et en plus, bien sûr, les répondeurs, les fax, les faux numéros, mais aussi les raccrochages au nez ! 
Contre les énervés, on a un truc imparable : une question. Est-ce la cause des handicapés que vous ne souhaitez pas soutenir ? ... Euh ...
Contre les objections aussi tout est prévu : une réponse type par remarque, une dizaine en tout ! Il faut croire que les chefs d'entreprises ne sont pas très originaux pour nous contrer !

Quand vous avez réussi à passer une commande, tout n'est pas gagné. Le but est que le client vous retourne le bon le plus rapidement possible : la méthode one shot utilisé dans le social ! 
Faire vibrer la corde sensible jusqu'au bout et pour arriver à vos fins ...

La pression sur le plateau se veut positive, même le briefing du lundi matin est rassurant "tout est encore possible, tous ensemble".
Les team-expert sont là pour nous encourager, nous aider à tout moment.

Des entretiens d'évaluation toutes les semaines ou presque pour les nouveaux. De temps en temps pour les autres, selon les résultats.
Pour moi ça a été :
"J'ai une totale confiance en toi, tu vas y arriver, c'est normal de ne pas tout savoir tout de suite, on est tous passé par là.
Sans te mettre la pression, en toute confiance, si tu veux bien nous signer cette petite lettre de démission. J'espère bien la déchirer avec toi dans quinze jours."
J'ai la tête sur le billot, on apporte la hache (ou pas) dans quinze jours ! 
J'en signerais deux !

Je me demande si les entreprises adaptées font bien de passer par ce genre d'intermédiaire.
Je ne suis pas sure qu'elle serve favorablement l'image des travailleurs handicapés.

J'en suis ressortie avec le sentiment étrange d'avoir échapper à une sorte de secte, de société secrète. 
On vous oblige à parler d'une certaine façon, 
On vous conseille -fortement- de ne pas dire certaines choses, 
On vous engage, menace à l'appui, à ne plus parler à celles qui partent de l'entreprise ... 
Et tout ça pour votre bien !

On vous demande de ne regarder que l'arbre verdoyant pour ne pas voir la forêt totalement racornie.

Pour cette entreprise, le turn-over est important et la médecine du travail a l'air très conciliante pour faire des arrêts de travail. L'inspecteur du travail a quelques dossiers sur son bureau.

Pourtant j'ai vu et entendu tellement de manquement au code du travail que j'ai été surprise qu'il n'y est pas plus de bruit autour de cette entreprise. 
Mais là aussi chantage et pression sont utilisés pour faire taire. Les anciens employés mais aussi les pouvoirs publics sous couvert d'apporter de l'emploi dans une ville durement touchée par le chômage.

Et je ne suis pas sure que ça va aller en s'arrangeant : call center en France

Commentaires

  1. Ma Chère Hiéléna,
    je suis entièrement d'accord avec ton billet. De plus continue a révéler ce qui se passe sur ce type de plate-forme pour ouvrir les yeux aux personnes qui seraient tentés de venir postuler dans ce genre de structure et qui sont un peu vulnérable voir influençable.
    Merci encore pour ce billet très intéressant.

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